Saisons en friche

Saisons en friche de Sonia Ristić aux Éditions Intervalles 

” C’est une ancienne gare de marchandises, désaffectée depuis des années. Plus de dix mille mètres carrés, une immense cour avec un quai de chargement au milieu, sous une verrière en plutôt bon état, et des entrepôts, des bureaux, une quantité de couloirs et de petites pièces. Avant d’investir officiellement les lieux la semaine précédente, ils n’avaient pas réalisé à quel point l’endroit était vaste. Cela faisait déjà plusieurs mois que le collectif avait été expulsé de la vitrerie-miroiterie datant du XIX° siècle dans laquelle ils avaient passé les deux années précédentes. Éparpillés, ils avaient quadrillé Paris à la recherche d’un nouveau squat. “

Dans cette bande de squatteurs nous allons y croiser, Alice, Thomas, Lena, Alexandre, Malo, Douma, Vladimir, Clémence, Nieves, et beaucoup d’autres. Ils nous offrent à travers ce collectif d’artistes en herbe, une véritable galerie de portraits éclectiques à la vie en friche. 

 » Il y avait dans le sillage de Malo et Alexandre tellement d’ombre, et en même temps ces deux fous portaient également en eux tant de facétie, de folie et de rires que l’ombre était tenue à distance. C’est avec Alexandre et Malo que Douma avait découlé squat, toute la foule bigarrée qui s’y côtoyait, et il avait rapidement compris, que chacun, chacune, traînait ses propres fantômes, qu’il s’agissait d’un lieu fait pour celles et ceux qui redessinaient des cartes, reconstruisaient des mondes.  » 

Tous rêvent de briller sur scène, que ce soit à travers l’écriture, la peinture, la comédie, le cirque, tout en unissant leurs forces et leurs idées pour y parvenir. 
En attendant, ils vivent l’instant présent aussi intensément et aussi solidaire que possible tout en restant lucide sur l’avenir. 

” Il y a toujours des éclats de voix, des disputes, des prises de têtes. Untel a oublié de sortir les poubelles, une autre a laissé un bordel innommable dans la salle blanche. Truc s’est servi dans le stock des boissons du bar sans le recharger et Machine s’est retrouvée dans la merde le soir du vernissage avec le frigo vide ; Bidule débarque systématiquement à midi le dimanche quand tout est bien installé et après on le voit passer son après-midi à drague, il met rarement les mains dans la plonge. Parfois, ça s’emporte en débattant des différences cruciales entre l’anarchie libertaire et le communisme autogestionnaire. Il y’a des drames et des pleurnicheries. L’utopie n’est pas tout à fait au point non plus, mais malgré tout, c’est la joie qui domine. “

Ce que j’en dis: 
En s’inspirant de son passé, Sonia Ristić nous offre un roman choral plutôt touchant.
Elle nous offre ces tranches de vies, que chacun croque de mille façons selon ses envies, ses besoins, ses rêves au cœur de ce squat d’artistes. 
Tous ont un point commun, ils aspirent à une vie meilleure, une vie plus pétillante. 
Malgré le style assez décousu, un peu déstabilisant, l’auteure a réussi à m’embarquer dans son univers grâce à ces personnages plutôt attachants, dans cette aventure humaine où la France d’aujourd’hui résonne étrangement. 
Une belle découverte. 
Pour info : 

Née en 1972 à Belgrade, elle a grandi entre l’Ex-Yougoslavie et l’Afriqueet vit à Paris depuis 1991. Après des études de lettres et de théâtre, elle a travaillé comme comédienne, metteuse en scène, mais aussi avec des ONG sur les actions autour des guerres en ex-Yougoslavie et des questions de Droits de l’Homme. Dans les années 2000, elle a fait partie du collectif du Théâtre de Verre et a créé sa compagnie, Seulement pour les fous. Elle encadre régulièrement des ateliers d’écriture et de jeu en France et à l’étranger. La plupart de ses textes ont été publiés ou mis sur les ondes. Elle a bénéficié de nombreuses bourses et a reçu plusieurs prix pour ses textes.

Je remercie Aurélie de l’agence un livre à soi et la maison d’éditions Intervalles pour cette aventure parisienne étonnante.